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Récits & Légendes
O Tempora, O Mores !

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Jardin
Je m'appuie sur le comptoir et l'invite à la sodomie. Non, non, sodomie est bien trop policé. Il m'encule, me défonce la raie. Tout ce que je connais de vocabulaire ordurier jaillit de ma gorge encourageant le porc à se vautrer dans ma fange. Le souffle ahane sur mon dos, le ventre claque mes fesses mollement. Le miroir décrit une scène bestiale et vulgaire et cet accouplement abject me fascine et m'exalte. Je suis cette femelle frustre et rustre qui offre son cloaque au boutoir déchu. Clouez-moi au pilori, jetez-moi aux chiens, couvrez-moi de vos immondices mais il est trop tard, je resterai l'égérie de vos bacchanales et le tatoueur, le premier de mes servants.
Au paroxysme je repousse sa gerbe pour que son foutre n'ensemence pas mon sillon. Il ravale sa giclée malgré ses efforts pour achever le labeur en solitaire. Je ris et me moque de ces efforts impuissants. Je tends ma croupe agitée aux morsures de sa ceinture. Godemichet charnel qui croit à la compensation par la punition alors que je ne cherche qu'à incendier les braises qu'il a laissées.
Il me fouette et chacun de ses coups exprime la rage de ne pouvoir me dominer. Je ressens sa frustration sur mes fesses, sur ma taille, sur mon dos. Elle me brûle, elle me déchire, elle me transperce. Son bras faiblit, ma voix l'agresse. Sa rage grandit, ma jouissance prospère. Je m'écroule sur le sol, marionnette disloquée emmêlée dans mes fils. Il veut m'aider à me relever, je le repousse. Je ne veux rien que la fureur exaspérée d'une impossible possession. Il n'est qu'un bras et une bite, douleur et plaisir. Péniblement je me relève et me mets à quatre pattes, la chaîne oscille violemment et tire cruellement sur mes seins. Je ne suis plus une gentille petite chienne soumise. Regard de défi lubrique. Je relève le buste, mes fesses reposent sur mes talons, mes cuisses s'écartent largement sur mon sexe cadenassé. J'attrape mes seins et les offre au martyr. Le cuir s'abat, avide de téter le sang des mamelles nourricières. Je rejette la tête en arrière pour ravaler mes larmes. Sur mon corps rompu, la douleur est partout, la souffrance nulle part. Je crie, je râle, j'agonise. Un orgasme inconnu me secoue et me brise. La digue a cédé, l'ouragan emporte le passé.

Longtemps après, debout face au phallus dérisoire, je paie l'oeuvre du tatoueur. Il fait mine de refuser mais il sait que c'est impossible. J'enfile mon imperméable et rechausse mes souliers. Je sors de la boutique sans me retourner. Dehors, la pluie achève de laver le pavé.
Je suis une esclave sans maître, libre de mes douleurs et soumise à mes jouissances... la mère des douleurs.

Suite....